Comment impliquer ses collaborateurs en cas de changement stratégique ?

Le rôle d’un dirigeant est d’être dans la vision stratégique. Dans les organ­i­sa­tions plus struc­turées, sa mis­sion se con­cen­tre d’ailleurs sur le fait de dévelop­per une vision à moyen ou long terme et de gér­er le bud­get qui vient en regard de cette vision. Lorsqu’un dirigeant décide d’un change­ment stratégique, cela fait plusieurs mois, voire plusieurs années, qu’il y pense. Il a eu tout le temps de se faire une représen­ta­tion claire de ce qu’il pour­suit et de ce qu’il en attend comme con­séquences. Il en con­naît tous les ten­ants et aboutis­sants.

Pen­dant qu’il dévelop­pait sa vision, les col­lab­o­ra­teurs ont assuré la bonne marche de la société. Ils ont assuré le quo­ti­di­en. Ils ont donc pour­suivi la direc­tion qui leur avait été don­née. Avec le temps, ils ont dévelop­pé de nou­veaux par­a­digmes qui les sou­ti­en­nent dans l’action, qui les aident dans la prise de déci­sion, qui les ori­en­tent dans leurs choix. Der­rière ces efforts existe un espoir : l’espoir de voir évoluer sa car­rière, l’espoir de se voir pro­gress­er dans l’organisation. Comme la cul­ture de nos organ­i­sa­tions de tra­vail sont, mal­heureuse­ment, axées sur la com­péti­tion, per­son­ne n’est prêt à per­dre du ter­rain.

Un change­ment stratégique cor­re­spond sou­vent à un change­ment de par­a­digme. Son annonce fera donc l’effet d’une bombe, car son annonce sonne la remise à zéro de la com­péti­tion. Avec l’arrivée du nou­veau par­a­digme, cha­cun va devoir refaire la course. Or, ce n’est pas parce qu’une per­son­ne était en tête dans la course précé­dente qu’elle le sera dans la com­péti­tion qui débute. Dans ces con­di­tions, rares sont ceux qui soient d’accord de chang­er.

L’annonce d’une nou­velle ori­en­ta­tion stratégique est tou­jours quelque chose de trau­ma­ti­sant pour les col­lab­o­ra­teurs. Si pour le dirigeant, le change­ment paraît aller de soi, il en va tout autrement pour les col­lab­o­ra­teurs. Pour eux, c’est la douche froide. Ils ne com­pren­nent pas. Du jour au lende­main, ils décou­vrent que la des­ti­na­tion change sans avoir fait tout le chemin cog­ni­tif qui a mené le dirigeant à ce choix. Compte tenu de leur par­a­digme actuel, cela ressem­ble à une folie. Une folie qui a un coût exor­bi­tant : leur avance­ment, leur con­fort au tra­vail, leurs com­pé­tences…

Quels con­seils don­ner pour arriv­er à impli­quer les col­lab­o­ra­teurs dans un change­ment stratégique ?

La toute pre­mière règle que j’aime avancer est : « Lent, c’est rapi­de ! ». Allez‑y douce­ment. Prenez le temps, plusieurs trimestres si vous les avez, pour sub­tile­ment faire évoluer le référen­tiel de vos col­lab­o­ra­teurs de façon à ce qu’ils soient mûrs lorsque le moment vien­dra d’opérer le change­ment de cap. Si c’est bien fait, ce change­ment de cap devien­dra un « non-événe­ment ».

La deux­ième règle que j’aime appli­quer, c’est le fait d’opérer le change­ment dans un grand silence ! Taisez-vous ! Ne par­lez pas du change­ment ! Changez pro­gres­sive­ment vous-même, et con­duisez pas à pas vos col­lab­o­ra­teurs vers la nou­velle ori­en­ta­tion.

La troisième règle con­cerne l’une des pri­or­ités du man­age­ment, à savoir le fait de se préoc­cu­per au quo­ti­di­en de la mon­tée en com­pé­tence de ses col­lab­o­ra­teurs. Prenez le temps de for­mer et d’accompagner tous vos col­lab­o­ra­teurs dans le développe­ment des com­porte­ments, des atti­tudes et des com­pé­tences néces­saires à la pour­suite de la nou­velle ori­en­ta­tion.

Enfin, ayons con­science que cer­tains ne voudront pas aller dans la nou­velle direc­tion pro­posée. Il peut y avoir beau­coup de raisons à cela. Une pre­mière bonne rai­son est que cela ne fait peut-être pas sens pour eux. Ils avaient rejoint l’entreprise pour con­tribuer à la réal­i­sa­tion de ses objec­tifs, car la pour­suite de ces objec­tifs réson­nait en eux. Peut-être que la nou­velle direc­tion don­née con­tre­vient à leurs valeurs, ou elle va à l’encontre de ce qu’ils veu­lent réalis­er dans la vie… Ce qu’il faut com­pren­dre, c’est que ces per­son­nes ne sont pas déméri­tantes. Elles n’ont pas choisi le change­ment d’orientation. Jusqu’à l’annonce du change­ment, elles se sont mon­trées fidèles et engagées dans la pour­suite des objec­tifs défi­nis. Ce ne sont pas ces per­son­nes qui ont changé le « con­trat moral » qu’est le pro­jet d’entreprise ou son ori­en­ta­tion stratégique. L’entreprise a donc tout à gag­n­er en accom­pa­g­nant pos­i­tive­ment ces per­son­nes à trou­ver une autre sit­u­a­tion pro­fes­sion­nelle qui leur con­vient mieux. Ce peut être le fait d’aider ces col­lab­o­ra­teurs à retrou­ver une fonc­tion ailleurs, voire chez un con­cur­rent. Ce peut être aus­si de les accom­pa­g­n­er à mon­ter leur pro­pre affaire… À l’entreprise d’être à l’écoute et créa­tive. En agis­sant de la sorte, elle mon­tre du respect et de la recon­nais­sance pour les efforts con­sen­tis durant des années, efforts qui ont enrichi l’entreprise. Ce com­porte­ment noble peut avoir un impact puis­sant sur l’engagement de ceux qui ont choisi de rester. Cela pour­rait même rejail­lir pos­i­tive­ment sur son image sur le marché.