Les soufis étaient certainement les coachs de l’époque

Arti­cle paru dans Maroc Diplo­ma­tique le 20 jan­vi­er 2017

Le phénomène de coach­ing sem­ble gag­n­er du ter­rain ces dernières années et séduire de plus en plus les esprits. Selon vous, est-ce une ten­dance pro­fonde qui s’enracine, un effet de mode importée ou un besoin réel inscrit dans la moder­nité dans une société en pleine explo­sion ?

Je crois con­stater comme vous que le coach­ing devient de plus en plus pop­u­laire. Il ques­tionne. Il intrigue. Il séduit. Les réseaux soci­aux et inter­net l’ont prob­a­ble­ment ren­du plus vis­i­ble, plus acces­si­ble. En face, nom­breux sont nos conci­toyens qui s’interrogent. Ils ont des ques­tions sur la vie, sur leur car­rière, sur l’éducation des enfants, sur le bon­heur, sur les rela­tions amoureuses ou con­ju­gales … Ce qui a peut-être changé ces vingt dernières années, c’est que le bon­heur est devenu une quête indis­pens­able. Je crois par­fois voir un cer­tain « ter­ror­isme » du bon­heur. Cela me rap­pelle mes années d’adolescence où le fémin­isme bat­tait son plein. Une cer­taine forme de « ter­ror­isme » fémin­iste exis­tait : une femme se devait être fémin­iste. La société, ou du moins la gent fémi­nine d’alors, n’acceptait pas et rail­lait les femmes qui posaient d’autres choix. C’était l’époque. Il se fal­lait être mod­erne. Aujourd’hui, c’est le bon­heur. Or, à tra­vers la pub­lic­ité et les médias, il nous est offert une image défor­mée du bon­heur. Les annon­ceurs s’investissent à nous con­va­in­cre au quo­ti­di­en que le bon­heur passe par la con­som­ma­tion. Pour­tant, bien que nous con­som­mions, beau­coup n’atteignent jamais le bon­heur espéré. Dans l’esprit du grand pub­lic, le coach­ing est sou­vent au ser­vice de la quête du bon­heur ou d’une cer­taine « nor­mal­ité ».

Main­tenant, pour me recen­tr­er sur votre ques­tion, si le coach­ing devient plus vis­i­ble, cela ne veut pas dire qu’il y a sig­ni­fica­tive­ment plus de per­son­nes qui fréquentent les pro­fes­sion­nels. Une par­tie de la clien­tèle his­torique­ment dévolue aux psy­chi­a­tres migre vers cer­tains coachs. C’est par­fois dû à l’évolution des pra­tiques dans cha­cune de ces spé­cial­ités.

Une bonne par­tie de la vis­i­bil­ité qu’a le coach­ing aujourd’hui tient aux efforts mar­ket­ing des écoles de coach­ing qui ont besoin de rem­plir leurs for­ma­tions. Ils par­lent de coach­ing et séduisent. J’ai par­fois l’impression que les seuls à véri­ta­ble­ment bien vivre du coach­ing, ce sont les écoles. Sur base d’un cal­cul sim­ple et très approx­i­matif, j’ai estimé un jour que la seule place de Casablan­ca « met­tait sur le marché » env­i­ron six cents nou­veaux coachs par an. C’est beau­coup. Rares sont ceux qui arrivent à percer dans le méti­er et à en vivre.

Une autre part sig­ni­fica­tive de la vis­i­bil­ité est offerte par les jeunes coachs qui utilisent les réseaux et inter­net pour se faire con­naître en exposant leur savoir et savoir-faire sup­posés. Sou­vent l’exposé de la théorie masque l’absence d’expérience ou de réflex­ion pro­pre.

Je me dois peut-être aus­si d’apporter un bémol à ce que j’avance ici. La plus jeune généra­tion (la généra­tion dite Y) est aus­si grande con­som­ma­trice de coach­ing. Elle a gran­di avec. Les coachs et le coach­ing ont investi les Grandes Écoles et les Uni­ver­sités. J’observe que les modes de fonc­tion­nement de cette plus jeune généra­tion, qui s’interroge beau­coup et qui se sent par­fois (sou­vent ?) en perte de repères, repose beau­coup sur une recherche rapi­de d’information fiable. C’est que qu’offrent les coachs dans leurs con­férences, leurs cap­sules vidéos ou leurs posts.

L’objectif étant le bien-être et la sérénité, pensez-vous que le coach­ing pour­rait con­stituer une solu­tion effi­cace pour nous délivr­er ou guérir du stress et nous pro­pos­er une méth­ode d’accompagnement vers le bien-vivre ?

Le coach­ing n’a pas pour objec­tif le bien-être ou la sérénité, même s’il peut y con­tribuer. Et puis, nous pour­rions philoso­pher ensem­ble pour savoir s’il s’agit bien là d’un objec­tif sain, voire d’un objec­tif. Le coach­ing est un accom­pa­g­ne­ment offert aux per­son­nes qui con­sul­tent pour les aider à trou­ver leurs pro­pres répons­es ou solu­tions à des ques­tions qu’ils se posent ou des prob­lèmes aux­quels ils se sen­tent con­fron­tés. Le gros avan­tage de la démarche de coach­ing est qu’elle respon­s­abilise le client. En cas de besoin, elle l’invite à repren­dre pos­ses­sion de ses respon­s­abil­ités. Elle met le client au cen­tre de la prob­lé­ma­tique et l’accompagne à trou­ver des solu­tions en lui et non, de façon utopique, à l’extérieur de lui, dans un grand respect de lui et des autres. Le coach accom­pa­gne son client dans son ascen­sion vers le niveau supérieur.

Pour moi, la mis­sion d’un coach est de remet­tre le plus rapi­de­ment pos­si­ble son client en autonomie et en action. C’est dire l’aspect anti-économique de la démarche et du méti­er. Main­tenant, en imag­i­nant que la per­son­ne qui con­sulte vise le bien-être ou la sérénité, alors oui, je pense que le coach­ing peut être une bonne démarche pour les con­quérir.

En même temps, d’autres approches val­ables cen­trées sur le développe­ment per­son­nel ou la spir­i­tu­al­ité exis­tent aus­si (et par­fois depuis bien plus longtemps que le coach­ing). Elles offrent les mêmes béné­fices.

Il existe de plus en plus une diver­sité de coach­ing : pro­fes­sion­nel, indi­vidu­el, col­lec­tif, d’entreprise et philosophique. Com­ment une société comme la nôtre, mélange de tra­di­tion et d’exigence mod­erniste affichée peut-elle inté­gr­er ce mode d’épanouissement sans s’exposer ?

Il y a trois aspects impor­tant dans votre ques­tion. Le pre­mier, c’est que le coach­ing n’est pas une fin en soi. Si le coach­ing peut trou­ver sa place dans tous les con­textes (pro­fes­sion­nel, per­son­nel, sportif …), je trou­ve qu’il est imma­ture et irre­spon­s­able de pré­ten­dre qu’un même coach puisse être effi­cace et per­for­mant dans tous ces domaines. Pour moi, le coach­ing est un out­il qui vient au ser­vice d’une spé­cial­ité. En ce qui me con­cerne, je me défi­nis plutôt comme un coach pro­fes­sion­nel, c’est-à-dire un coach qui place son action dans le monde économique. En même temps, j’ai trente ans de car­rière pro­fes­sion­nelle der­rière moi. Trente ans d’une car­rière inter­na­tionale dense con­sacrée à dis­penser du con­seil et de la for­ma­tion à très haut niveau au sein des entre­pris­es, des PME et des multi­na­tionales. J’ai d’ailleurs dévelop­pé mes tal­ents de coachs dans le cadre des mis­sions cen­trées sur la con­duite du change­ment et l’amélioration des per­for­mances opéra­tionnelles et com­mer­ciales de ces organ­i­sa­tions. Jamais il n’est pos­si­ble d’atteindre des objec­tifs aus­si ambitieux en forçant les gens. Il nous faut donc les accom­pa­g­n­er, cul­tiv­er leur envie de chang­er parce que c’est ce qu’ils perçoivent comme bon pour eux. J’ai donc exer­cé un méti­er qui a mis très très tôt l’humain au cen­tre de mes préoc­cu­pa­tions. Avec les décen­nies, je pense avoir acquis une con­nais­sance très intime de l’être humain et de ses modes de fonc­tion­nement. En for­mal­isant la démarche de coach­ing, je ne fais que la met­tre au ser­vice d’une spé­cial­ité déjà bien établie. Je tire moins ma crédi­bil­ité pro­fes­sion­nelle de mon statut de coach que de ma maîtrise de la con­duite des entre­pris­es, ou des organ­i­sa­tions de tra­vail au sens large.

J’observe que beau­coup de jeunes sont séduits par le méti­er et vont se for­mer dans les divers­es écoles de coach­ing. Je trou­ve cela for­mi­da­ble qu’ils s’intéressent si tôt à la décou­verte de l’être humain, et je ne peux que les encour­ager à con­tin­uer. En même temps, je pense aus­si qu’il est sou­vent trop tôt pour eux pour entr­er dans le méti­er. Je pense qu’ils gag­n­eraient à dévelop­per une véri­ta­ble exper­tise et matu­rité pro­fes­sion­nelle au ser­vice desquelles il pour­ra met­tre un jour la démarche de coach­ing. Le coach­ing vien­dra alors enrichir ce qu’ils ont a offrir et élargi­ra le champ de leurs pos­si­bil­ités d’action.

Le sec­ond aspect de votre ques­tion est l’opposition entre mod­ernisme et tra­di­tion. Je ne défi­nis pas néces­saire­ment le Maroc comme un pays musul­man. Je pense qu’il est tra­di­tion­nelle­ment peut-être plus que cela. Je le défi­nis plus volon­tiers comme un pays aux racines soufies. L’histoire a voulu qu’éclosent et que se main­ti­en­nent à tra­vers les siè­cles bon nom­bre de con­fréries, con­fréries qui comp­taient en leur seing de grands hommes. Sociale­ment, quel pou­vait être sou­vent le rôle des soufis ? J’émets l’hypothèse qu’ils devaient être un peu les psy­cho­logues ou les coachs de l’époque. Ceux qui étaient con­fron­tés à des dif­fi­cultés de la vie les con­sul­taient, et les sages appor­taient de l’apaisement en les aidant à tir­er du sens de leurs épreuves. Je pense que de tout temps, l’homme a eu besoin de faire appels aux autres, aux plus sages, aux aînés. Bref, à ceux qui, par leur sagesse ou leur anci­en­neté, avaient dévelop­pé une con­nais­sance plus intime de l’être humain.

Dans le monde mod­erne, le psy­chi­a­tre ou le coach ont fait de l’humain leur spé­cial­ité. Cer­tains sont bril­lants. En même temps, nom­breux sont encore nos conci­toyens qui con­sul­tent les fqihs. Après, choisir voir l’un ou l’autre dépend prob­a­ble­ment de sa vision du monde, de son approche des réal­ités, de l’état de ses croy­ances ou de la force ses pré­sup­posés.

Le troisième aspect que soulève la ques­tion est la con­fu­sion qui est faite de la final­ité d’un coach. Un coach n’est pas là pour apporter des répons­es, mais pour per­me­t­tre à quiconque (indi­vidu ou groupe) de trou­ver les siennes. Dans les assem­blées, un coach pour­rait avoir comme con­tri­bu­tion de prévenir les pièges de l’esprit, aidant par là-même les per­son­nes qui échang­eraient autour de ques­tions philosophiques ou poli­tiques d’aller plus loin.

Un phénomène ressort immé­di­ate­ment de cette nou­velle pra­tique : les femmes con­stituent une forte majorité des coachs. Com­ment l’expliquer ?

J’observe que les femmes ont sou­vent l’intelligence émo­tion­nelle plus dévelop­pée. Elles sont plus à l’aise avec les émo­tions. Peut-être que cer­taines tra­di­tions encore vivaces, tra­di­tions qui veu­lent qu’on nie peu ou prou le droit aux garçons d’investir le champ des émo­tions, fait que la gent fémi­nine est mieux pré­parée et dis­posée à ces métiers. De plus, ce sont des métiers cen­trés sur ce qu’on appelle la rela­tion d’aide. À nou­veau, la tra­di­tion a plus ten­dance à main­tenir les garçons dans le champ de la com­péti­tion, même s’il faut recon­naître que les choses changent.

Main­tenant, si on peut observ­er qu’il y a plus de femmes dans le méti­er, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles sont meilleures. Être une femme n’est pas un gage de qual­ité pro­fes­sion­nelle. Tout dépend de sa capac­ité réelle à pren­dre la dis­tance qui me paraît néces­saire à la bonne pra­tique du méti­er. Il en va de même pour leurs col­lègues mas­culins bien sûr. Évidem­ment, et j’en con­nais et les respecte, il y a aus­si beau­coup de femmes for­mi­da­bles dans le méti­er.

Y a‑t-il un coach­ing pour les dému­nis, autrement sol­idaire qui prend en charge les mar­gin­aux et un autre pour les rich­es qui sont en quête de bien-être payant ?

Je con­nais quelques très beaux coachs qui offrent, sous une forme ou une autre, du coach­ing social. Évidem­ment, c’est parce qu’il y a des clients qui peu­vent pay­er le prix affiché que ces coachs peu­vent met­tre au ser­vice de plus dému­nis leurs tal­ents uniques. Lorsque vous êtes un jeune coach qui doit encore bâtir sa répu­ta­tion et sa clien­tèle, bien sou­vent chaque client compte, car il y a par exem­ple les frais fix­es du cab­i­net à cou­vrir. Ils sont donc plus rares à entr­er dans cette démarche. Mais ce n’est pas exclu.

Main­tenant, si on regarde du côté d’actions qui seraient plus insti­tu­tion­nal­isées, je n’en con­nais pas. Peut-être exis­tent-elles. Sim­ple­ment, je ne les ai jamais croisées. Elles échap­pent à mon radar.

On assiste au développe­ment de cette dis­ci­pline au sein de l’entreprise, car les dirigeants ne sont plus les béné­fi­ci­aires exclusifs, mais aus­si les employés ?

Si la pra­tique est bien implan­tée dans le monde anglo-sax­on, et de façon plus large dans le monde indus­tri­al­isé, il me sem­ble encore émergeant au Maroc. Je vois plusieurs raisons à cela. Tout d’abord le manque de crédi­bil­ité dont souf­fre par­fois le méti­er. L’inexpérience ou la jeunesse de cer­tains qui s’improvisent coach pro­fes­sion­nel refroid­it par­fois les entre­pris­es. Une mau­vaise expéri­ence, surtout si c’est la pre­mière, peut son­ner le glas du coach­ing dans l’entreprise. L’incapacité aus­si d’un cer­tain nom­bre de coachs, même plus con­fir­més, à pou­voir tenir un lan­gage d’entreprise et à plac­er leur démarche dans la logique qui est au cœur des habi­tudes économiques. Par exem­ple, rares sont les coachs d’accords ou capa­bles d’aborder la ques­tion du retour sur investisse­ment. Cela n’est pas de nature à ras­sur­er les entre­pris­es, ni à les aider à mieux mesur­er l’impact du coach­ing sur l’évolution des per­for­mances économiques. Au prix du coach­ing pro­fes­sion­nel, com­ment jus­ti­fi­er la dépense à son con­seil d’administration si on ne peut l’accompagner de la mesure des retombées pos­i­tives ?

Le tis­su économique maro­cain est essen­tielle­ment com­posé de petites entre­pris­es. Or j’observe que ces dernières ont une cer­taine aver­sion à inve­stir dans le développe­ment de leurs col­lab­o­ra­teurs. « Exit » donc la for­ma­tion ou le coach­ing.

Le manque de fidél­ité du per­son­nel décourage aus­si les patrons à inve­stir dans son développe­ment.

À l’inverse, cer­taines struc­tures, plus impor­tantes et organ­isées, com­men­cent à avoir régulière­ment recours au coach­ing, car le besoin se fait de plus en plus pres­sant. La « Généra­tion Y » prend de plus en plus de place dans les grandes entre­pris­es. Cer­taines ont déjà plus d’un tiers de leur effec­tif issu de cette généra­tion. Or, c’est une généra­tion qui se mon­tre plutôt infidèle à l’entreprise. C’est une généra­tion qui se car­ac­térise par sa mobil­ité. Les entre­pris­es ten­tent donc par tous les moyens de les con­serv­er. Or, une des obses­sions cette généra­tion, c’est son employ­a­bil­ité. Lorsque les sta­tis­tiques vous prédis­ent que vous chan­g­erez en moyenne quinze fois d’employeur au cours de votre car­rière, rester dans la course devient une néces­sité.

Dans ce con­texte, le coach se sub­stitue sou­vent au man­ag­er en carence. C’est en principe le rôle d’un man­ag­er que de se souci­er au quo­ti­di­en de la mon­tée en com­pé­tence de ses col­lab­o­ra­teurs. Mal­heureuse­ment, il y a au sein de nos organ­i­sa­tions carence en man­age­ment. Le coach pal­lie donc sou­vent à l’incompétence ou la déser­tion man­agéri­ale.

Dans quelle mesure le coach­ing peut-il con­cur­rencer la psy­ch­analyse et pour­rait-il à terme s’y sub­stituer ?

Dif­fi­cile de répon­dre à cette ques­tion. Dans cer­tains pays, comme au Cana­da par exem­ple, les psy­ch­an­a­lystes et les psy­cho­logues se sont bat­tus pour faire recon­naître leurs métiers et pour les pro­téger. C’est ain­si qu’une nomen­cla­ture s’est mise en place, nomen­cla­ture qui reprend les patholo­gies et les actes ne pou­vant être posés que par un psy­cho­logue ou un psy­chi­a­tre. La guerre est donc déclarée.

En même temps, je peux com­pren­dre, car alors que ces pro­fes­sion­nels ont der­rière eux tout un par­cours uni­ver­si­taire sig­ni­fi­catif, beau­coup de coachs n’ont qu’une for­ma­tion courte (quelques jours à quelques semaines) sanc­tion­née par un cer­ti­fi­cat rarement recon­nu et sig­nifi­ant. Au Maroc, le coach­ing n’est pas une pro­fes­sion recon­nue ou régle­men­tée. Celui qui le veut peut pos­er une plaque sur son porche et se déclar­er coach. Je pense qu’il y a des choses qu’on doit laiss­er à des pro­fes­sion­nels qui com­pren­nent de quoi il s’agit. Il est à nou­veau ques­tion ici de savoir au ser­vice de quelle spé­cial­ité cha­cun met la démarche de coach­ing. Le coach­ing n’est pas une fin en soi. Par exem­ple, en coach­ing, beau­coup utilisent les out­ils de la PNL, de l’Analyse Trans­ac­tion­nelle ou de l’Hypnose. Ce ne sont que des out­ils. Des out­ils mis au ser­vice d’une démarche avec le client. Même si je maîtrise l’hypnose, je ne me vois pas me définir comme un hyp­nothérapeute, car je ne con­nais rien aux patholo­gies. Je ne me vois pas abor­der un schiz­o­phrène ou un bipo­laire. Ce n’est pas mon méti­er. Je n’ai pas le back­ground pour cela. Par con­tre, l’hypnose est pour moi un out­il for­mi­da­ble que je mets au ser­vice de mon back­ground, c’est-à-dire l’accompagnement des entre­pris­es, le développe­ment des per­for­mances ou le développe­ment per­son­nel.

Au Maroc, le méti­er n’est pas organ­isé ce qui se réper­cute de manière néga­tive sur le client. Com­ment peut-on met­tre fin à ce dan­ger ?

Je pense qu’il faut nuancer. Au Maroc, le méti­er n’est pas organ­isé, c’est vrai, ce qui peut, en cer­taines cir­con­stances, se réper­cuter de manière néga­tive sur le client.

Ceci étant dit, obser­vons que cer­tains coachs, par­fois déjà bien étab­lis et jouis­sant d’une bonne répu­ta­tion, désirent préserv­er le méti­er en en pro­tégeant sa répu­ta­tion. Cela passe entre-autre par le fait de préserv­er la qual­ité des rela­tions et des presta­tions. La ten­ta­tion est donc forte de vouloir met­tre des bar­rières à l’entrée afin d’exiger de ceux qui veu­lent se pré­ten­dre coach d’être en capac­ité de pra­ti­quer le méti­er dans les règles sup­posées de l’art.

Cela passe aus­si par le fait d’avoir une offre claire en réponse à des attentes claires. Mal­heureuse­ment la démarche de coach­ing souf­fre de beau­coup de con­fu­sion dans l’esprit du grand pub­lic, ce qui génère chez lui des attentes déraisonnables, ou peu en phase avec ce que le coach­ing a vrai­ment à leur offrir. Ce ne sont pas les coachs qui sont à l’origine de cette con­fu­sion, mais bien plutôt le monde des médias et du spec­ta­cle qui présente des « coachs » à la télévi­sion ou à la radio, « coachs » qui, dans la presta­tion qui leur est demandée, ne sont pas en pos­ture de coach, mais habituelle­ment en pos­ture de con­seil.

Ces dif­férentes choses, et d’autres encore, con­courent à vouloir régle­menter le méti­er, ce qui peut paraître légitime. La dif­fi­culté, de ce que j’observe au Maroc, c’est que plusieurs ini­tia­tives sont portées par dif­férentes écoles, cha­cune souhai­tant prob­a­ble­ment voir se généralis­er la sienne. C’est vrai qu’entre cer­taines écoles, la vision de la pra­tique ou du méti­er présen­tent par­fois des dif­férences qui sont loin d’être anec­do­tiques. Donc, au lieu de se rassem­bler et s’entendre, il me sem­ble que nous assis­tons à une guerre de clochers. Évidem­ment, ce n’est pas parce qu’on est coach qu’on est néces­saire­ment sage.

Main­tenant, faut-il régle­menter ? S’il peut y avoir du pour, comme on le com­prend de ce qui précède, je pense que régle­menter peut être aus­si les prémices d’une mort annon­cée du méti­er. J’observe que les plus grands con­tribu­teurs, ceux qui nous ont offerts ces for­mi­da­bles out­ils avec lesquels nous tra­vail­lons, ne sont pas néces­saire­ment cer­ti­fiés. Notre pra­tique exis­terait-elle sans un Robert Dilts, un Stephen Gilli­gan, un Richard Ban­dler, un Mil­ton Erick­son, pour n’en citer que quelques-uns ? Je ne crois pas. Or, ce qui car­ac­térise ces per­son­nes, c’est leur inven­tiv­ité, leur goût pour l’expérimentation, leur lib­erté de penser ou de trans­gress­er les règles établies (par­fois par eux-mêmes). Ce qu’il faut com­pren­dre, c’est que nos out­ils ont sou­vent un seul objec­tif : aider ceux qui nous con­sul­tent à dépass­er leurs résis­tances pour se voir offrir une vraie chance de pou­voir, par eux-mêmes, opér­er les trans­for­ma­tions qu’ils recherchent. En fait, un coach ne fait sou­vent que met­tre la per­son­ne en capac­ité à chang­er. Il est dit sou­vent dans le méti­er que le client est « son pro­pre thérapeute ». Comme nous l’avons évo­qué plus haut, les out­ils que nous util­isons pour cela sont aujourd’hui bien sou­vent gal­vaudés. Ils sont large­ment exposés et partagés sur inter­net. Cer­tains auto­di­dactes dévelop­pent leur maîtrise des out­ils pour « jouer », et ce sans déon­tolo­gie ni respect à l’égard de leurs vic­times. Avec le temps, tous ces out­ils qui avaient pour but d’aider nos clients à con­tourn­er leur résis­tance devi­en­nent inopérants. Si vous savez par quel chemin je vais « pass­er », où pensez-vous que vous allez poster votre résis­tance ? Sur le chemin que je vais emprunter. Donc, à terme, nous pour­rions rapi­de­ment nous trou­ver dému­nis. Si nous per­dons la capac­ité à renou­vel­er nos out­ils, c’est la mort du méti­er à terme. Ma crainte est qu’une régle­men­ta­tion con­traigne les prati­ciens à rester dans le cadre d’une ortho­dox­ie qui sera définie. Nous per­dri­ons au pas­sage le droit à l’expérimentation ou à la per­son­nal­i­sa­tion de la pra­tique.

Pourquoi par­le-t-on de client et non pas de patient ?

Peut-être parce que nous ne sommes pas cen­sés faire de la thérapie. Ayons con­science que psy­chi­a­tre et coachs peu­vent partager les mêmes out­ils. La PNL, l’Analyse Trans­ac­tion­nelle ou l’Hypnose que nous avons évo­quées plus haut, ne sont pas l’apanage des coachs. Ce sont des out­ils et des pra­tiques qui ont leur racines dans le champ de la psy­cholo­gie. Si c’est un psy­chi­a­tre qui met en œuvre la démarche de coach­ing dans un cadre thérapeu­tique, il sera légitime qu’il appelle celui qui le con­sulte un patient.

Quels sont les enjeux et les lim­ites du coach­ing ?

Ques­tion dif­fi­cile, tant les con­textes peu­vent être à ce point var­iés. Il me sem­ble que beau­coup s’entendent sur le fait que le coach­ing est une démarche cen­trée sur celui qui con­sulte. C’est l’accompagnement d’un tra­vail intérieur, tra­vail qui peut être au ser­vice d’objectifs var­iés et divers. L’idée com­muné­ment admise est que les solu­tions sont à trou­ver à l’intérieur de soi. Comme il est impos­si­ble de chang­er ce qui est à l’extérieur de soi, et encore moins les autres, tout ce qui peut être fait, c’est de chang­er ce qui est à l’intérieur de soi ou de se chang­er soi. Cela con­siste sou­vent à mobilis­er ou acquérir de nou­velles ressources ou à trans­pos­er des ressources exis­tantes dans de nou­veaux con­textes.

Quant aux lim­ites, il y en a une qui me paraît très évi­dente : la volon­té de celui qui con­sulte d’entrer dans la démarche et de dévelop­per les efforts néces­saires au change­ment. Le coach­ing est, et reste, une rela­tion libre­ment con­sen­tie. Si celui qui con­sulte ne veut rien faire, s’il refuse d’agir, alors rien ne chang­era. C’est pourquoi beau­coup de coach sou­ti­en­nent, prob­a­ble­ment à rai­son, qu’ils n’ont qu’une oblig­a­tion de moyen. Ils ne peu­vent être respon­s­ables du résul­tat. D’ailleurs, à con­trario, ils ne devraient jamais s’approprier les résul­tats.