Article paru dans le journal Le Matin le 17 juin 2013
Le changement ou la rénovation fait partie intégrante de notre vie de tous les jours et le monde professionnel ne déroge pas à la règle surtout en ces temps de crise.
Pour maintenir le cap, relever les défis économiques et obtenir des résultats performants, il est nécessaire et crucial d’agir à différents niveaux de l’entreprise ou de l’organisation, d’où la notion de « conduite du changement », ou « Change Management ». Ce concept a pour finalité de rendre facile et souple le processus de transformation lié à la mise en place de projets innovants. Selon Philippe Beaujean, consultant, formateur & coach : « Dans le monde qui est le nôtre, où la rationalité règne en maître absolu, nous cherchons toujours à nous reposer sur des processus bien formatés. Le changement n’a pas échappé à cette façon de faire, et certains auteurs, comme John Kotter, l’ont même modélisé. La conduite du changement est vue aujourd’hui comme le déroulement d’un processus qui garantit le changement. En général, ce processus est conduit par une équipe de projet ». Néanmoins, le problème qui se pose avec acuité est comment réussir le changement ? « Le problème, ce ne sont pas ces modèles qui relèvent pour la plupart du bon sens et qui sont inspirés par l’expérience qu’ont engrangé les auteurs. Le problème, c’est que beaucoup de chefs de projet cherchent à mettre ces modèles en œuvre de façon systématique, sans comprendre ou chercher à comprendre toute la complexité qu’il peut y avoir derrière. De plus, rares sont ceux qui sont armés d’une vision holistique des choses et d’une compréhension fine de la façon dont l’humain fonctionne », atteste M. Beaujean. Et d’ajouter que « l’entreprise occulte totalement la dimension humaine et l’impact sur tous les autres secteurs de l’entreprise. Le périmètre du vrai projet est toujours beaucoup plus large qu’imaginé. Le vrai coût du projet est donc bien plus important que prévu. Du moins, si l’entreprise a à cœur de se développer en cohérence ». Pour bien maîtriser ce processus décisionnel, l’invité de « Matin Emploi » fera le tour de la question tout en citant un exemple concret d’accompagnement réussi. Le point.
Le Matin Emploi : Pourquoi les organisations d’aujourd’hui, optent-elles pour le changement ? Quelles sont leurs motivations ?
J’aime me référer à la classification qu’a faite du changement Gregory Bateson, le fondateur de l’école de Palo Alto aux États-Unis. Je pense que cela nous permet de mieux comprendre les enjeux et les difficultés liés au changement. Selon lui, il y a deux types de changement : les changements de type 1 (appelés aussi « homéostasie »), il s’agit d’un changement où on cherche à rétablir l’équilibre ; et les changements de type 2 (appelés aussi « évolution ») qui conduisent l’entreprise vers un nouvel équilibre. Pour reprendre l’analogie de l’équation, dans un changement de type 1, on rééquilibre l’équation, tandis que dans un changement de type 2, on définit une nouvelle équation.
Certaines entreprises ont besoin de rétablir un équilibre, en ce sens qu’il ne s’agit pas pour elle de faire les choses fondamentalement différemment. D’autre, par contre, cherchent d’autres façons de faire.
Ces deux types de changement réclament des capacités minimales différentes au sein du personnel. Si on peut se contenter de la capacité à « généraliser les connaissances » pour une homéostasie, il faut par contre être capable d’opérer un « changement de paradigme » pour espérer réaliser une évolution.
Pour moi, le changement de paradigme est au cœur du changement. Je constate que c’est un exercice très difficile pour une entreprise, car cela réclame d’elle de remettre en doute ou en question son succès actuel.
L’un des exemples récents le plus marquant pour moi, c’est Kodak. Lorsque j’étais enfants, deux marques se disputaient le marché : le géant Kodak et son rival Agfa. Je me rappelle qu’on amenait les bobines chez le photographe qui nous imprimait sur papier glacé le souvenir immuable de nos vacances …
Aujourd’hui, Kodak est une entreprise en difficulté. Pourquoi ? C’est simple : Kodak n’a pas su prendre le tournant de la photographie numérique. Paradoxalement, et peu le savent, c’est Kodak qui a créé la photographie numérique. Lorsqu’un paradigme change, ce qu’il faut comprendre, c’est que toute la compétition est remise à zéro. Peu importe qu’on fusse en position dominante ou qu’on engrange de forts dividendes. Certes, quand un paradigme change, le succès perdure quelque temps, mais il masque le retournement de situation. Lorsque le succès commence à avoir du plomb dans l’aile, c’est déjà trop tard.
Kodak n’est pas le premier, ni ne sera le dernier, à être victime d’un changement de paradigme. Pour ceux qui ont connu cette révolution, penser à l’horlogerie suisse. Du jour au lendemain, elle passe de 60 % de parts de marché (et 90 % des profits) à 18 %. Pourquoi ? L’arrivée de la montre électronique. Or ce sont les suisses eux-mêmes qui l’ont inventée. Mais, ils furent incapables de voir dans cette invention le nouveau paradigme de la mesure du temps. Pire, ils ne l’ont même pas brevetée.
Si changer de paradigme à titre individuel est difficile, que dire lorsqu’il s’agit d’impliquer toute une organisation ?
Maintenant, le contraire est vrai aussi. Sur quel avenir radieux l’entreprise s’ouvre-t-elle en découvrant le paradigme qui deviendrait la règle demain ? C’est tout l’enjeu des fonctions « stratégie » dans l’entreprise.
Ce simple fait devrait plaider pour l’abandon du paradigme malheureusement trop présent dans le pays qui consiste à « Copier-Coller » ce que d’autres font bien, sans nécessairement savoir comment ni pourquoi.
Mais pour y parvenir, nous devrions tous dépasser un autre paradigme. Lorsque je demande aux directions d’entreprise comment leur société peut devenir leader mondial sur son marché, j’essuie gros éclat de rire puis j’entends invariablement : « mais enfin, nous sommes marocains… » Ce à quoi je réponds systématiquement : « et alors ? »…
Le Matin Emploi : À votre avis, en quoi la transition répond-elle aux besoins de l’entreprise marocaine face aux enjeux actuels ?
Je pense que le Maroc a entre les mains de très belles opportunités. Encore faut-il en faire quelque chose, et même quelque chose de bien. Je pense que le pays a tout ce qu’il faut pour réussir et compter un jour parmi les pays qui comptent économiquement. Les gens sont globalement bien formés. Sans angélisme, je pense que l’argent est là, puisque l’office des changes travaille à le maintenir dans le pays. Il y a abondance de main d’œuvre. De plus, je pense que le Maroc jouit d’une situation géographique favorable. Je considère que le Maroc est un peu la tête de pont vers deux mondes : l’Afrique et le monde arabo-musulman.
En même temps, je pense que certains de nos comportements et que certaines de nos attitudes sont de nature à nous priver de cette chance extraordinaire qui est à nos portes. La principale, et la plus difficile à faire évoluer, c’est notre incapacité à nous remettre en question personnellement. Lorsque nous nous écoutons, tout ce qui se passe est toujours la faute d’un autre ou d’une situation. D’ailleurs, n’est-ce pas le train qui est parti sans nous ou le réveil qui n’a pas sonné ? Si nous ne pouvons nous remettre personnellement en question, si donc nous nous considérons parfaits, aucun progrès ni aucune évolution n’est possible.
Cela pourrait faire l’objet d’un autre développement un jour. En quelques mots, je pense que nos habitudes, que l’on défend habituellement en mettant en avant l’exception culturelle marocaine, sont un frein majeur à notre évolution. Lorsque j’étais à HEC, j’apprenais que la confiance est un élément essentiel au développement des affaires, et donc de l’économie. Or, j’observe que c’est ce qui manque le plus aujourd’hui. Nous n’avons pas confiance entre nous. Et lorsque j’analyse cela, il me semble que l’origine est déjà à trouver dans notre façon de communiquer ensemble. À travers les séminaires de communication que je donne, je peux mesurer combien les habitudes sont profondément ancrées. J’observe qu’il est très difficile pour les participants de se défaire de cette façon de faire. Vous voyez l’ampleur de la tâche si nous devons changer ? Or, avons-nous le choix de le faire ? Ou plus exactement, quelles seront les conséquences concrètes de nos choix ?
Pour relever ce défi, je pense qu’il est nécessaire de travailler à tous les niveaux. Et le monde de l’entreprise, dans sa dimension citoyenne, peut avoir sa part de travail à faire. Dans ces temps où de plus en plus d’entreprises aspirent à la certification RSE (Responsabilité Sociale (et Sociétale) des Entreprises), ce serait bien d’avoir des entreprises citoyennes engagées dans le changement de comportement et d’attitude.
Le Matin Emploi : Tout n’est pas si sombre tout de même ?
Certes. Mais il y a aussi les choses qu’on refuse de voir. Un confrère, en qui j’ai pleine confiance, me confiait il y a quelques temps qu’au Maroc, au sein d’une seule et même entreprise, en 2010, vingt-quatre personnes se sont ôtées la vie. Alors peu importe les chiffres. Un peu plus ou un peu moins. Même un seul cas, ce serait un cas de trop. L’important, c’est de comprendre que les problèmes psychosociaux ne sont pas l’apanage de la France ou d’autres pays dits industrialisés. Cela existe aussi ici. Si nous devions apprendre demain qu’un agriculteur est mort sur son champ parce que ce dernier est devenu toxique, nous trouverions cela absurde, n’est-ce pas ? Or le champ de l’homme moderne, c’est l’entreprise, et celui-ci est devenu toxique.
Ce qui rassure, c’est que la psychologie positive nous apprend qu’il existe des solutions qui font à la fois le bonheur de l’entreprise et celui de ses collaborateurs.
Le premier paradigme à changer, selon moi, c’est la conception répandue de ce qu’est un manager. Ceux que l’on nomme « manager » ne sont souvent, à mes yeux, que des « experts ».
Le changement, ou sa conduite, n’est pas une spécialité en tant que telle. Elle fait pour moi partie d’un tout plus vaste, indissociable et cohérent. C’est la raison pour laquelle la certification de manager-coach que nous offrons se fait dans la durée et intègre à la fois le management, la conduite du changement, la gestion des risques psychosociaux, la communication et le coaching. À travers cette formation, nous tentons d’offrir au marché de véritables managers, des managers à la hauteur de leur tâche et de leurs responsabilités. Nous tentons ainsi de reconstruire une spirale ascendante vertueuse.
Le Matin Emploi : Devant ce constat, quels sont les principes à respecter pour changer ?
Avant tout intégrer la réflexion sur la conduite du changement dès l’énoncé d’un projet. Prenez une feuille de papier, énoncer votre projet puis tracez deux colonnes. Dans la première, vous écrivez, comme à l’habitude, tout ce que le projet implique au niveau technique, dans la seconde, vous considérez déjà la conduite du changement. L’important, c’est d’anticiper au maximum. Au plus on a du temps, au plus le changement se fait en douceur et en cohérence.
En 2005–2006, je travaillais sur une grosse mission CRM pour compte d’une grande multinationale de l’avionique. Or la direction de l’entreprise nous fit savoir que les syndicats ne voulaient pas en entendre parler. Difficile comme situation, n’est-ce pas ? Comment mettre en place quelque chose dont on ne peut parler ?
Comme les travaux techniques préparatoires devaient durer six mois, nous en avons profité pour reprendre en main absolument toute la communication de l’entreprise et nous avons commencé à faire vivre en arrière-plan, dans le décor, des éléments du CRM. C’est un peu comme si on prenait une photo de la famille et que dans l’arrière-plan traîne un minaret ; l’important, c’est la famille ; on ne remarque pas spécialement l’élément architectural.
Pendant six mois, nous avons tout doucement et subtilement rapproché ces éléments vers l’avant-plan. Par exemple, lorsqu’on parlait de l’ouvrier du mois dans le journal d’entreprise, on glissait des raisons issues de bonnes pratiques du CRM, sans jamais en prononcer le nom.
Au bout de six mois, lorsque l’entreprise a revu les syndicats, elle leur a dit qu’elle souhaitait développer un ensemble de comportements et d’habitudes de travail en faveur de leurs clients. À l’énoncé des comportements en questions, les syndicats étaient convaincus d’avoir toujours travaillé ainsi et d’avoir donc fait du CRM sans le savoir.
C’était gagné, nous pouvions dorénavant tous avancer main dans la mise en œuvre d’une approche CRM ambitieuse et efficace.
Le Matin Emploi : Comment à votre avis manager les phases de transitions riches en ambiguïtés ? Sur quels points précis le manager devrait mettre l’accent ?
C’est tout l’art de gérer l’humain. C’est pourquoi nous trouvons souvent les chefs de projet trop jeunes. Ce ne sont pas leurs compétences techniques qui sont ici en cause, mais la profondeur de leur expérience. Le changement va devoir s’opérer dans des strates de différents âges. À 25 ou à 30 ans, le préfrontal vient à peine de se développer. On n’a pas encore beaucoup vécu. L’empathie est rarement bien développée. Comment comprendre et accompagner des pans complets de population alors que notre histoire personnelle ne possède pas de situation de référence qui puisse nous permettre de comprendre un tant soit peu ce qui se passe pour les hommes et les femmes de l’entreprise ?
Je pense, sans l’ombre d’un doute, que le succès repose sur la ligne managériale et les qualités managériales des responsables. Pour cela, ils doivent quitter la posture d’expert pour endosser celle de manager pleinement investi au milieu de ses collaborateurs, voire développer celle de manager-coach.
Les managers doivent avoir à cœur de créer un climat de confiance, un environnement rassurant où l’erreur a sa place, de même que le doute ou la peur. Un périmètre où il est permis d’apprendre. Pour nous, l’une des responsabilités majeures d’un manager est de se préoccuper de la montée en compétence de ses collaborateurs. C’est ce qui manque le plus souvent et qui va de pair malheureusement avec leur désertion du terrain.
Par ailleurs, il est essentiel de pratiquer une « communication positive » et de lever les doubles contraintes. Apprendre à dessiner ce qu’on veut dans l’esprit des gens, plutôt que ce qu’on ne veut pas.
Une grande entreprise marocaine dans laquelle j’intervenais en 2008 tenait très concrètement le discours suivant à son personnel : « Le train est en gare. Il est occupé à siffler. Ceux qui resteront sur le quai, tant pis pour eux ». Ce à quoi le personnel répondait virtuellement : « Je connais bien la gare, j’y viens tous les jours. J’entends en effet le train siffler. Mais il va où le train ? ».
Le Matin Emploi : Concrètement, quels sont les dispositifs à mettre en œuvre pour réellement s’adapter à cette situation en termes de ressources humaines ?
Pour moi, former et coacher. Je suis consultant, formateur et en posture de coach depuis plus de vingt ans, et je sais que la formation, du moins la formation « comportementale » ne fonctionne pas si le bénéficiaire de la formation n’est pas accompagné une fois rentré dans son périmètre. En principe, ce devrait être le rôle du manager que d’accompagner son collaborateur dans la mise en œuvre de ce qu’il a appris au cours de la formation. Cela doit être progressif, à la fois pour le collaborateur, mais aussi pour son environnement, au risque sinon de subir un rejet définitif de sa personne du groupe.
Face à la carence ou « l’incompétence » des managers actuels dans l’accompagnement, le coaching de performance peut prendre le relais.
Par ailleurs, les entreprises peuvent aussi entamer une vraie réflexion sur le choix de leurs managers. Je comprends, et il est légitime, que chacun veuille voir sa carrière progresser. Or, le plus souvent, la seule voie qui s’ouvre est celle du management alors que les gens n’en ont pas spécialement le profil. Ce qu’il faut se rappeler, c’est qu’une entreprise a besoin de managers pour conduire les opérations, être en maîtrise des résultats et faire travailler les gens ensemble. Elle a besoin aussi d’experts. Je plaide depuis quinze ans au moins dans les entreprises pour qu’elles commencent à envisager ces deux filières d’évolution.
Il est urgent aussi de changer de comportement et d’attitude. Il est temps de remiser l’orgueil et l’égoïsme, ces deux défauts qui me semblent être à l’origine de l’essentiel de maux que nous vivons aujourd’hui, et qui sont aussi le frein majeur au changement. La chose qui me surprend le plus au Maroc, c’est que ce sont souvent ceux qui nous payent, entendez par là les directions d’entreprises, qui sont les premières à résister au changement.
Pour le reste, développer une culture et une « personnalité morale » d’entreprise positive. Un vrai défi qui, lorsqu’il est correctement relevé, s’avère être un véritable avantage, car il agit comme un soutien au changement et à la prise de décision cohérente.
Apprendre aussi à dire ce que l’on veut plutôt que ce qu’on cherche à éviter. Lever les doubles contraintes. Développer l’assertivité. Et surtout, surtout, si on est manager, développer un intérêt sincère pour les autres.
Si elle s’applique sur ces changements, je pense qu’alors l’entreprise, et le Maroc, auront pris une option sérieuse sur le succès et le développement économique auxquels légitimement ils aspirent.
Le Matin Emploi : En tant qu’expert en la matière, pourriez-vous nous révéler un modèle d’accompagnement du changement bien réussi ?
Je participe pour l’instant à une mission au sein d’une institution financière en Côte d’Ivoire. Le monde du travail m’y semble avoir des similitudes avec ce qu’on rencontre au Maroc. Par contre, il jouit d’un avantage selon moi, c’est une certaine simplicité et la capacité de son management d’entendre des messages difficiles.
Le diagnostic vient d’être posé. Il est classique. En même temps, les constats sont sévères. En gros, les collaborateurs créent peu de valeur. Pourquoi ? Parce que le management ne manage pas. Par ailleurs, ce dernier ne disposent pas d’un système de management efficace et les pratiques du management, après mesure, sont à la ramasse. Pire, les principaux managers ne sont même pas alignés sur les priorités de la Direction générale. Et pour couronner le tout, les flux opérationnels sont gangrenés par d’abondants problèmes.
Ce qui a permis à l’entreprise de pouvoir mieux entendre le diagnostic, c’est que ce dernier est factuel. Ce sont des chiffres, des observations, des constats. Forts de ces éléments, nous concluons que nous avons typiquement affaire à une entreprise qui a grandi trop vite et qui a besoin maintenant de s’organiser et de se stabiliser avant d’avancer à nouveau. C’est une situation classique que tout entreprise qui croît rencontre un jour.
Ce qui fait, selon moi, le succès de ce projet, c’est l’écoute de la Direction, et sa capacité à entendre. L’idée n’est pas d’endosser les erreurs ou de juger tel ou tel coupable de contre-performance, mais de tirer les leçons et d’avancer.
Par ailleurs, il faut souligner que cette direction a eu un grand courage culturel. Nous avons pu observer que la société ivoirienne a un mode de fonctionnement plutôt féodal. Ce mode de fonctionnement trouve bien évidemment sa place dans le monde du travail, avec pour conséquence que les subalternes se taisent. Ce sont les chefs qui « savent », même si ce sont les subalternes qui, dans les faits, vivent l’expérience.
Il nous est apparu qu’il serait important de libérer la parole et d’avoir une communication constructive à double sens dans l’entreprise. La direction a embrayé sur notre proposition et s’est mise à l’écoute de ce qu’ont à lui apprendre ses collaborateurs. Aujourd’hui, la direction est restée la gardienne de la vision, mais les employés, qui sont les témoins de sa mise en œuvre, remontent le retour d’expérience tout en étant force de proposition constructive.
Depuis, la direction donne l’exemple et est très présente sur le terrain pour montrer son implication, mais aussi pour partager sa vision du concept d’affaires. Elle s’implique, elle est visible et elle est à l’écoute. Cette direction qui agit comme un modèle à suivre est, à n’en pas douter, l’une des clés majeures de la réussite de ce beau projet.
Pour cette entreprise, il s’agit aujourd’hui de se reconstruire en cohérence à la taille qui est devenue la sienne, le tout en revisitant le projet d’entreprise. L’idée n’est pas de changer de projet d’entreprise, mais bien de sortir de certains paradigmes qui ont généré des présupposés potentiellement dommageables.
C’est pourquoi une feuille de route a été dessinée afin de permettre à l’entreprise de se reconstruire en cohérence. Il ne s’agit donc pas de brûler les étapes.
Le point de départ qui a été fixé est de redéfinir une vision, en intégrant les informations du marché et la finalité du projet d’entreprise. Ensuite, dérouler l’objectif jusqu’à tout en bas dans l’organisation, et le faire remonter pour vérifier la cohérence des déclinaisons qui en ont été faites. Ensuite, il s’agira de définitivement budgéter le tout, avant de passer très concrètement au changement sur le terrain.
Un projet de cette ampleur ne va pas sans volet informatique. Pourtant, la direction a accepté de d’abord valider les concepts à travers des flux de travail fondés sur des papiers. Ce n’est qu’une fois les processus stabilisés qu’on passera à l’informatisation de ces derniers.
La conduite du changement a été considérée d’emblée, et les travaux débutent en même temps que les travaux techniques préparatoires. Les premières actions concerneront la ligne hiérarchique, véritable courroie de transmission du changement, à travers des formations (en management, en communication …), mais aussi à travers un accompagnement sous forme de coaching individuel.
Pour le reste, nous accompagnons pour l’instant la direction dans l’articulation de son discours afin qu’il soit à la fois rassurant et mobilisateur. Et surtout, surtout, nous veillons à ce qu’il ne cède pas à la précipitation, c’est-à-dire vouloir résoudre les problèmes d’emblée au détriment de la cohérence. Si ce devait se faire, comme on le voit trop souvent malheureusement, les gains à court terme ne seraient qu’une satisfaction passagère, car les conséquences seront désastreuses : perte de la motivation du personnel, perte de la confiance des collaborateurs, perte des collaborateurs les plus talentueux…
En conduite du changement, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.