Une mort pour rien ?

Hier, un homme s’est immolé devant l’ambassade d’Israël aux États-Unis. Il avait un nom : Aaron Bush­nell. Il y a fort à pari­er qu’il était d’origine ou de con­fes­sion juive. Sol­dat de pro­fes­sion, j’ignore s’il a été sur les théâtres d’opération en Pales­tine, mais la nature de son geste me le laisse sup­pos­er.

Son acte a été minu­tieuse­ment pré­paré. Il a filmé son geste. Un mys­tère reste : qui a posté la vidéo sur les réseaux ?

Certes, il faut du courage pour porter ce type de pro­jet à terme. Et en même temps, il y a aus­si beau­coup de lâcheté par rap­port à la vie et aux com­bats qui auraient pu être les siens. Et si, effec­tive­ment, il a par­ticipé aux mas­sacres et qu’il en a des regrets, peut-être aurait-il mieux valu qu’il fasse face à ses actions et qu’il entre­prenne, spir­ituelle­ment, un chem­ine­ment pou­vant lui per­me­t­tre d’espérer le Par­don divin. Mais c’est un long chemin, sans aucune garantie. Pour­tant, Dieu nous apprend que Sa Clé­mence l’emportera tou­jours sur Sa Colère. Il me sem­ble qu’il y avait un chemin de rédemp­tion. En l’empruntant publique­ment, il aurait pu inspir­er des mil­liers de per­son­nes en besoin d’expiation.

Beau­coup voient en cette action un grand sac­ri­fice accom­pli, prob­a­ble­ment dans l’espoir de réveiller le monde. Une sorte de chan­tage émo­tion­nel infan­tile fait à l’en­con­tre d’Is­raël. Comme si ce geste, à lui seul, allait faire fléchir la déter­mi­na­tion d’un gou­verne­ment ouverte­ment va-t-en-guerre et qui défie la com­mu­nauté inter­na­tionale. Ne vous méprenez pas, je pense com­pren­dre toute la portée sym­bol­ique de son acte. Grâce aux réseaux soci­aux, son mes­sage posthume s’est rapi­de­ment et vaste­ment répan­du. Si bien que, aujourd’hui, des man­i­fes­tants ont pris, en masse apparem­ment, le relai devant les grilles de l’ambassade.

Pour­tant, quelque chose me taraude. Spir­ituelle­ment, il s’agit bien d’un sui­cide. Dans l’espoir fou d’infléchir les choses, il a com­mis, selon la Loi divine, un acte irrémis­si­ble. Il a oublié, ou il n’a pas com­pris, que c’est Dieu qui dirige le Monde. Rien ne se fait sans Sa Per­mis­sion. Mais Dieu est plus Savant. Si je veux être cohérent avec moi-même, je dois aus­si recon­naître que son acte n’a été pos­si­ble que parce que Dieu l’a per­mis. Par­fois, méditer sur la dimen­sion spir­ituelle des choses nous amène à nous faire des nœuds dans la tête, car nous ne sommes pas à un para­doxe près. En posant ce geste, quelle était son inten­sion pro­fonde ? Il est tou­jours pos­si­ble de « join­dre l’utile à l’agréable », même si ce dernier mot sem­ble son­ner faux dans ce con­texte. Pour­tant, seri­ons-nous si loin de la vérité en le pen­sant ? Son acte, ser­vait-il unique­ment à dénon­cer la poli­tique guer­rière de l’État d’Israël, ou était-ce pour lui une façon, certes douloureuse, d’en finir avec une con­science qui le tor­tu­rait ? Seuls Dieu et lui le savent, à moins qu’il ne se soit con­fié ou que des proches puis­sent témoign­er de ses derniers jours.

Il a posé un acte fort, certes. Mais en même temps, c’est le dernier qu’il ait pu pos­er. À peine entamé, son com­bat s’est arrêté. Je ne con­teste pas le com­bat. Je me demande juste ce qu’il aurait pu faire s’il avait préservé sa vie. Com­bi­en de batailles aurait-il pu men­er ? Mais il aurait fal­lu avoir du courage…

Certes, des man­i­fes­ta­tions sont en cours aujourd’hui. C’est nor­mal, nous sommes beau­coup à être sous le coup de l’émotion. Se rap­pellera-t-on encore de lui dans six semaines ? Sans vis­i­bil­ité don­née aux man­i­fes­ta­tions, se pour­suiv­ront-elles ? Finale­ment, n’aura-t-il pas sac­ri­fié, en toute désobéis­sance à Dieu, sa vie en vain ?